Il n'est pas dans mes intentions de jouer ici les vétérans blasés (bien que j'aie tout de même achevé plusieurs fois Dungeon Siege en boucle, dans des degrés de difficultés croissants, y compris le niveau caché des poules), mais je dois dire que ton enthousiasme à l'égard du jeu est assez caractéristique des individus qui viennent de découvrir Dungeon Siege (principalement ceux qui étaient jusque là fans de Diablo). Malgré les doutes que tu émets à ce sujet, je pense qu'il y a des chances pour qu'à la longue, cet enthousiasme se tasse et que tu rejoignes le nombre de ceux qui sont finalement un peu revenus de Dungeon Siege.
Quand j'ai commencé à jouer à Dungeon Siege, je ressentais le même émerveillement que toi. J'arrivais de Diablo, avec ses graphismes vieillissants et sa résolution bloquée à 800 x 600, et Dungeon Siege me paraissait être une véritable petite révolution : les graphismes du jeu sont magnifiques, les décors absolument géniaux, l'apparence et la diversité des objets, l'aspect animé du personnage dans son inventaire, le fait que les changements de lieux se fassent sans transition, la prise en main et la jouabilité conviviales, l'ambiance sonore, la possibilité de changer l'angle de vue des personnages, l'animation des monstres quand ils combattent ou qu'ils meurent en se tortillant dans tous les sens, tout était parfait. Comme Dungeon Siege est en plus un clone quasi-complet de Diablo, on y retrouve même des aspects familiers tels que la couleur des objets en fonction de leur type (bleus = magiques, jaunes = rares, oranges = uniques, etc.), ce qui rajoute aux sensations du joueur qu'il est en territoire connu. En fait, Dungeon Siege me plaisait tellement au début que j'envisageais de désinstaller définitivement Diablo de mon PC.
A long terme, la première chose que je n'ai plus appréciée à Dungeon Siege, c'est le système de montée en niveau : le joueur n'a aucun point de compétences ou d'aptitudes à répartir, c'est la manière d'agir des personnages qui conditionne le développement de telles ou telles compétences ; si on passe son temps à lancer des sorts, c'est l'intelligence qui sera développée ; si on tire à l'arc, c'est la dextérité ; et si on tape au corps à corps, c'est évidemment la force. Indéniablement, ce système est plus réaliste que celui de Diablo par exemple, mais d'un autre côté il est terriblement passif, le joueur n'ayant en quelque sorte jamais à intervenir sur le développement de ses personnages, si ce n'est en jouant. Personnellement, je trouve justement ça sympa dans un jeu d'avoir le choix de participer activement au développement de son avatar, en répartissant des points à intervalles de temps réguliers, comme c'est le cas à Diablo, Baldur's Gate ou Fallout.
Pire encore : à Dungeon Siege il n'y a aucun dispositif, sonore ou visuel, qui prévient au moins le joueur que son personnage vient de passer de niveau. De toutes manières, cette notion n'existe pas dans ce jeu : les personnages ont le niveau correspondant à leur caractéristique la plus élevée, point barre (si un personnage a 50 en force et 30 en dextérité, par exemple, il est considéré comme étant de niveau 50). Or les jeux de rôles sont avant tout basés sur le plaisir qu'a le joueur de faire monter en niveau ses personnages ; à Dungeon Siege, ce plaisir n'existe pas, on se contente de jouer et de vérifier de temps à autres la valeur de sa caractéristique la plus élevée pour voir si l'on peut ou non porter tel ou tel objet.
A long terme également, la montée en niveau devient fastidieuse car les caractéristiques ne gagnent en puissance que très, très, très lentement. Comme le disait naguère quelqu'un sur le groupe : [...] c'est pareil pour l'évolution des persos, on trouve dès le début des armes qui nécessitent 15 en intelligence et on se dit "bien, j'ai 11, j'y serai dans pas longtemps...". Et bien non....ça traîne...". Eh bien c'est exactement ça Dungeon Siege, on passe son temps à attendre que des aptitudes sur lesquelles on a aucun moyen d'action daignent grimper d'un niveau tous les siècles. Finalement, pour gagner du temps, on entasse sur soi tout un tas d'objets qui apportent des bonus aux aptitudes (+X en force, +Y en dextérité), mais ce faisant, on ne développe plus les personnages comme on le souhaiterait.
A ce moment-là, ça n'est même pas la peine pour un mage d'avoir des vélléités de combattant, ou pour un guerrier d'avoir des envie de magie. Si l'on cesse l'activité fondamentale du personnage, l'aptitude associée - qui monte déjà à vitesse d'escargot - stagne aussitôt (mais je l'admets, on fait alors grimper d'autres aptitudes). Il n'y a même pas besoin de se convertir à des tâches radicalement opposées à celles de sa classe de prédilection (combat - magie, par exemple) pour subir ces désagréments : si un guerrier décide de varier les plaisirs en lâchant temporairement sa hache pour tirer à l'arc, adieu la force, c'est la dextérité qui montera dorénavant ; si un mage de guerre décide d'être un peu moins virulent et de lancer quelque sorts de prêtre, hop, au revoir la montée en intelligence, c'est la sagesse qui prend le relais (j'appelle ça "intelligence" et "sagesse" mais je ne me souviens plus des dénominations exactes employées dans le jeu).
En bref, Dungeon Siege, ça n'est pas une histoire de PC qui rame, c'est le jeu qui s'essoufle à mon avis tout seul à haut niveau. Ca n'en reste pas moins un produit divertissant, qui a su récupérer quelques bons aspects de Diablo, qui a même réussi à innover dans certains domaines et fonctionnalités, mais sans parvenir à se hisser au statut d'un Diablo justement, ou d'un Fallout.
-- Biggs
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